ABC de leur travail.
En quoi consistait ce métier de"sculpteur -décorateur sur plâtre" ?
Comment utilisaient-ils les différentes matières utilisées dans leur métier :
le plâtre ,la terre glaise, la pastaline, la gélatine; la cire.
« Le plâtre » ! , matière première la plus utilisée, ma famille en a entendu parler tout au long de la vie de Papa :
« Il faut commander du plâtre » ,
« Je n’aurai pas assez de plâtre »
et la phrase la plus terrible :
« Non, je ne viens pas . . .j’ai du plâtre » !
Car le plâtre , une fois mis en chantier , prend très vite , et devient vite bon à jeter
Papa utilisait la « Fleur de plâtre » . Il le commandait , un sac à la fois, chez Bogaert , place de la Maison Rouge à Laeken .
Extrait de l’Almamach de Bruxelles page 552
Année 1946 1947
Professions
« Bogaert Pierre (Etablissement, SA).
Plâtre pour les arts et l’industrie.
Spécialité plâtre pour appareils dentaires et chirurgicaux.
2 Place de la Maison Rouge.
Tél. 26 96 75.
Ce plâtre provenait des Plâtrières d’Allain , près de Tournai .
Il était emballé dans de gros sachets constitués de plusieurs épaisseurs de feuilles de papier brun clair cousues à la machine , et sur lesquelles on lisait , je crois , « Tournai » .
J’ai beaucoup de souvenirs de ces sacs , il m'intriguaient : comment pouvait-on faire des sacs en papier, cousus à la machine avec d'aussi grands points et solides en même temps !
( Lorsque Maman cousait à la machine, les points étaient très petits !)
J'avais le temps de les regarder car ils faisaient partie des objets « touche pas fille! » !
Papa était très soigneux avec son sac de plâtre , car le plâtre devait rester frais ,c’est –à-dire qu’il devait rester sec et très fluide .
Le sac placé à portée de main , Papa l'ouvrait et le fermait avec le plus grand soin: matière première pas chère , Papa la respectait comme si elle avait valu une fortune !
Quelques recherches sur le Net m'ont amenée au site Allain Hameau de Tournai .
Après contact, j'ai reçu cette aimable réponse :
Bonsoir,
J'ai trouvé quelques renseignements dans le livre de Max HOVINE, Allain au coin du feu :
- la Plâtrière d'Allain a été fondée le 23 mars 1931 (date du Moniteur) par les frères Adolphe, Emile et Georges THIEBAUT, les fils d'Adolphe, et un fils de Georges.
La même année, les trois frères ont aussi fondé la Sacherie d'Allain, qui fabriquait les sacs de plâtre et de ciment. Elle est devenue Sacallain, le bâtiment existe toujours, rue de la Lys.
- l'usine se trouvait rue de la Lys, 97
Le long du chemin de halage, en face des ateliers Carton. Les numéros ont dû changer.
- le gypse provenait de Vaux-sur-Seine et était acheminé par péniches, puis par camions
- la plâtrière a fait faillite en juillet 1981. L'usine a ensuite été rasée.
Gardez précieusement les sacs de plâtre, ce sont des souvenirs !
Cordialement,
Annie-Françoise Mouyart-Tassin
Bien sûr, vous pouvez mettre un lien vers le site d'Allain.
L'adresse officielle est http://allaintournai.chez.com/,
Le traînage ,sous-titre du Plâtre
Je le place ici parce qu'il tient un rôle important (du moins je le crois !) dans le travail de Papa et Grand-père.
Il consiste en un appoint pour l’élaboration de certains travaux.
Comme son nom l’indique, le traînage c’est l’action de traîner.
Cette méthode était utilisée lorsqu’il fallait beaucoup de longueurs de profils pour terminer un travail, pour représenter une clôture sur une maquette , par exemple.
Les traînages étaient-ils utilisés pour certains luminaires ou miroirs ?
Pour les belles boîtes à cigarettes peut-être ?
Ils sont encore utilisés à l'heure actuelle pour les moulures de plafonds.
Papa se fabriquait un gabarit en zinc : il dessinait le profil choisi et découpait soigneusement le morceau de zinc tout en y laissant, à l’opposé, une partie à intégrer dans une espèce de poignée qu’il confectionnait au moyen de plâtre de toile jute, restes de cuirs, je crois ! L’ensemble devait être solidement maintenu.
Ensuite il huilait un marbre sur la longueur désirée, il y déposait du plâtre mou , « pas trop , pas trop peu , attention ça prend vite » et passait et repassait le gabarit en ajoutant du plâtre jusqu’à obtention du profil complet.
Ce travail avait l’ai bénin, il était en fait très fatigant, il ne laissait aucun moment de répit jusqu’à la prise du plâtre qui devenait de plus en plus dur à traîner.
Ce devait être des chutes de ces traînages qui se trouvaient également dans le fameux coffre et qui pouvaient encore servir !
Le traînage terminé, il fallait laisser durcir le profil et c’était reparti pour des heures de retouches !
Après son infar, Papa s’est vu interdire le traînage par la Faculté.
- La terre glaise était , à ma connaissance,essentiellement utilisée pour la préparation de bas-reliefs ou plaques commémoratives.
Lorsque papa devait faire un travail en terre glaise , j’entendais dans les conversations entre Maman et lui :
« Il va falloir commander de la nouvelle terre, la mienne est trop vieille.
Il m’en faut combien, tu crois ?
Tu téléphoneras pour commander ? Demande le prix ? Ils vont la livrer ?
Dis que c’est urgent. »
Lorsqu’il la recevait, il la tâtait, la prenait dans les doigts : « Elle est bonne, ça va aller ».
Aujourd’hui je me demande si elle était parfois mauvaise. Le taux d’humidité devait certainement jouer, la pureté peut-être aussi.
Je ne me souviens pas avoir entendu dire quelle était mauvaise.
-La pastaline.
Je n’ai pas vraiment connu cette matière qui faisait partie des « touche pas à ça, fille » !
J’ai le souvenir de quelque chose couleur vert-de-gris , pas très beau , mais intrigant pour une petite-fille !
C’est en dépouillant les anciennes photos de Papa que j’ai trouvé la photo ci-dessous .
Merci Maman , d'avoir noté au dos :"Etude de porte à la pastaline " !!
Pourquoi une porte en pastaline ?
Papa n’est malheureusement plus là pour nous donner la réponse .
Quelle est sa supériorité par rapport à la terre glaise?
Plus de finesse ? Meilleure conservation ?
J’ai trouvé quelques explications intéressantes qui rejoignent notre « Etude de façade à la pastaline » :
Extrait du livre : Art nouveau, art déco et modernisme .
Par Françoise Aubry , Jos Vandenbreeden, France Vanlaethem ,( page 151 pastaline Françoise Aubry Art nouveau art déco et modernisme )
Horta dessinait lui-même chaque élément de l’architecture et de la décoration intérieure .
« Après avoir réalisé plusieurs avant-projets ,il en recommençait les tracés avec plus de simplicité et de précision (. . .)après quoi il mettait son travail au point à l’échelle
Les dessins étaient ensuite transmis aux sculpteurs qui réalisaient des maquettes : sur une structure en bois blanc ou en métal ,le modelé de la pièce était modelé en pastaline ,corrigé par Horta, avant l’empreinte de plâtre qui allait permettre la confection d’un moule et la confection d’un modèle qui serait confié au corps de métier approprié .
« Au fur et à mesure du modelage,Mr.Horta venait se rendre compte du résultat, donnant aux sculpteurs ses directives en accusant les creux ou saillies du modèle » rapporte un collaborateur de Horta.
-La gélatine était utilisée pour faire certains petits ou gros moulages.
- Les petits moulages :ils servaient à faire des petits moules souples et réutilisables pour réaliser, en série, de petits objets . Je pense aux rosaces qui se collaient sur les luminaires.
C'est le principe des moules à glaçons de nos apéros !
Là aussi , il y avait à chaque fois la finition manuelle : petites fissures et petites bulles d'air à combler et passage au papier de verre ultra-fin.
- Les gros moulages : Au moment de s'en servir, il se préparait une sorte de cérémonial qui commençait par "les enfants, attention, ne restez pas ici" et là, même Maman nous éloignait , car cette gélatine était fondue au bain - marie et utilisée bouillante .
L'objet à mouler se trouvait emprisonné dans un moule, sorte de puzzle en plâtre : des morceaux emboîtés les uns aux autres, certains percés de trous et tous solidement liés au moyen de larges élastiques ( des morceaux de chambre à air découpés en lanières ???)
Lorsque Papa était prêt et avait tout bien vérifié , il disait "Tu peux y aller" ! Là il était grand temps de se taire et de faire trois pas en arrière ! Maman amenait précautionneusement un récipient plein de gélatine bouillante , elle la versait à petites doses dans les trous que Papa lui indiquait . Cette opération était délicate : il fallait de la gélatine partout et surtout pas de bulles d'air .
On laissait "prendre" et puis le démoulage devait se faire avec beaucoup de délicatesse également .
-La cire. Cette technique a été utilisée par papa dans la fin de sa vie, alors qu'il travaillait avec Monsieur Desnica dans le cadre des jouets en vinyle.
Jean-Luc Garioud , artiste sculpteur bronze d'art à Lyon , explique, images à l'appui toutes ces techniques . . .bien mieux que moi !